Yash Godebski, Textes et articles
"OMBRES ET LUMIÈRES" Lucile Vannier.
La peinture de Yash Godebski pose d’emblée la question du regard : qui regarde, et d’où regarde t-il ?Peintre voyeur, tapi dans l’ombre, sous un hamac, au-dessus de l’arène, sur la plage arrière d’une voiture, dans le renfoncement d’un toit ou au beau milieu de l’autoroute, il va là où on ne l’attend pas, là où personne ne va, là où il se met en danger : il vole, il rode, il frôle, léger comme un souffle, distant comme le temps, invisible aux hommes qui ne font que passer, accrochant ici ou là un fragment de lumière.
Car c’est là le véritable sujet : la lumière… Comment elle se reflète, comment elle se propage, comment elle apparaît, se décompose, et jette un voile d’étrangeté sur des lieux familiers...
Chez Yash Godebski, la lumière donne le tempo, l’ombre la couleur, la perspective la dynamique. Loin du regard humain, loin même de la parole, sa peinture parle du silence, du refuge, d’un temps figé dans l’instant. Au fil de ses voyages et de ses expositions, de New York à Rotterdam, de Paris à Londres, son regard s’est affiné, son travail s’est enrichi, son point de vue s’est imposé comme une signature.
Lucile Vannier.
PRÉFACE de Jean-Claude CARRIÈRE
Un des avantages du soleil - on ne le remarque pas assez souvent - c’est qu’il nous permet de vivre à l’ombre. Et donc de découvrir l’ombre, de l’apprécier. Si tout était à l’ombre, nous ne pourrions que l’ignorer. Et un des avantages de la peinture, qu’on remarque encore moins souvent que le précédent, c’est qu’elle nous introduit subrepticement dans un autre monde.
Cet autre monde s’inspire évidemment du nôtre, de celui que nous croyons connaître, dans lequel nous pensons vivre, mais en le métamorphosant. Dans certains cas nous passons de l’un à l’autre sans même nous en rendre compte, aussi simplement que nous nous mettons à l’ombre pour nous protéger du soleil.
Nous nous mettons dans la peinture pour nous protéger du réel. L’histoire de la peinture chinoise et remplie de ces prodiges : un peintre, prisonnier d’un roi, peint si parfaitement un bord de mer et une barque qu’il parvient à monter dans cette barque et à s’échapper.
Par exemple. Il se passe un phénomène de ce genre - en moins chinois - pour Yash Godebski. Sa peinture est si présente, si tactile, que par moments, le soleil aidant, la sueur nous monterait au front, rien qu’à la regarder. Mais elle peut aussi nous aérer quand nous étouffons, nous rafraîchir quand nous avons trop chaud. Elle est une invitation à l’ombre.
Les sensations picturales de ce peintre ne cessent de s’élargir, de se développer, à croire qu’il possède des sens que nous n’avons pas. C’est pourquoi je dis que, sans changer de monde, il nous emmène ailleurs. Il nous fait découvrir ce que nous n’avions pas su voir, ce qui sans lui nous aurait échappé. Un peu comme si, marchant en permanence à l’ombre, nous finissions par attraper une insolation.
Jean-Claude CARRIÈRE.
MARCHE AU SOLEIL Jean-Claude CARRIÈRE
L'homme répondit sans hésiter: Le jour, mais il n'a précédé la nuit que d'un jour.
Demandez maintenant à Yash: qu'est ce qui vient en d'abord, l'ombre ou la lumière ? Il répondra: Question idiote. C'est comme demander si l'ombre suit la lumière, ou si la lumière précède l'ombre. Autant essayer d'éplucher un oeuf. En fait on ne les voit jamais l'une sans l'autre, car l'ombre appelle la lumière, qui donne la vie, tandis que la lumière fait naitre l'ombre et s'y repose.
De là le midi, le juste et le glorieux, et cette peinture zénithale qui nous promène comme une souris sur le sol, ou comme une mouche au plafond. La lumière danse dans l'ombre, danse avec l'ombre, c'est un vieux couple inséparable, et dans cette danse des hommes et des bêtes se précipitent vers le danger, mais aussi soudainement s'alourdissent, se laissent tomber sur un banc. Nous sommes poussière, poussière de soleils dit-on, et la poussière a besoin de se reposer.
Il faut voir aussi que cette bête fonceuse, luisante et sombre est un taureau. Cela nous transporte aussitôt dans un très ancien labyrinthe, où l'obscurité ne tient qu'à un fil, à la perte tant redoutée de la lumière de la vie, au coup de cœur, au coup de corne. Que peignez-vous ? des labyrinthes de lumière. sous le soleil exactement.
Évidement c'est une longue phrase-promenade, sans besoin de mots, dans le clair et son frère l'obscur, dans la couleur, la frénésie et le repos. Mais cette phrase n'est pas forcément horizontale, comme d'autres. Nous pouvons l'enfoncer droit devant nous, et notre oeil est notre marteau. Nous pouvons transpercer ce qui nous est montré, que notre regard ne distinguait pas. Car il ne faut pas se laisser distraire par la surface, par les objets, ni par les hommes et les bêtes, ni même par l'ombre et la lumière. En suivant la phrase verticale on passe à travers les choses, à travers les chevaux, les platanes, à travers la paille et le sable, à travers la poussière et le soleil, et on arrive enfin à la peinture..
Jean-Claude CARRIÈRE
"EN ATTENDANT GODEBSKI" Marie-Jo LATORRE
La lumière du Sud est traître aux peintres….. Avec frustration et amertume, ils le disent tous, haut et fort. Tour à tour elle écrase, vole, réduit ou envahit, déforme, décolore, brûle, met en cendres et si l’on n’y prête garde, rend fou lorsque l’on cherche à la capter, la capturer afin de l’emprisonner dans un cadre.
Yash Godebski porte un prénom et un patronyme lointains, ceux des origines. Douze lettres pour former un ensemble quasi impressionniste, lequel irrépressiblement tire vers un ailleurs, dans la vision d’écorces pâles, la sensation fraîche d’une caresse solaire le plus souvent voilée de brume. Un regard plus intérieur mène encore au-delà, favorisant l’élan vers steppes et confins après vertes traversées de forêts centrales quand noces colorées et chevaux de feu se mettent à danser au temps des moissons, sous un jaune qui ne plisse pas l’œil.
Cessons de rêver, moteur : arrêt sur image et « flash back ». Il faut toujours garder de quoi surprendre : Yash Godebski ne vient que nominativement de ces contrées là, sa peinture en garde pourtant à certains égards de lointaines et mystérieuses parentés (le choix d’une ligne constructive et adaptative sans faille, celui de certaines couleurs froides et plus tard ce qui se dégage de l’ensemble). Convenons en tout cas, que, comme il en va dans l’art, il ne faut pas toujours se fier aux apparences .Trompes l’œil et faux fuyants sont esthétiquement d’usage.
Yash Godebski est donc un peintre profondément enraciné dans le Sud. Uzès, Nîmes, le Midi, lieux de naissance, de petite enfance et d’adolescence sont restés ceux de la maturité, fédérant dans l’esprit et les sens, places, rencontres et temps fondateurs, cristallisant une œuvre de toute façon pensée, brassée, crée dans ce creuset là.
Aujourd’hui, les longs séjours dans une ville où les lumières sont plus artificielles, Paris, n’ont pas pour autant barré celles, plus dures quand elles sont estivales, d’un Sud où l’inspiration reprend largement ses droits.
La thématique fait foi portant les regards et les souvenirs sous la tonnelle, dans les rangées de vignes, aux côtés d’individus aux faciès toujours indéterminés, lourdement affalés dans hamacs et fauteuils quand ils ne sont pas collés en grappe dans l’attente des corridas, serrés au zinc des bars où coule à flot fino et petit jaune.
Les sujets sont là, clamés en fanfares, dépensés en partie de cartes ou de pétanque, transpirés en vendanges, vidés de bodegas en bodegas, poursuivis sur des terres sèches et arides quand il faut courir après un décor duquel la végétation, à l’exception d’une herbe rase, est absente. Enfin, en finir soulagé dans le refuge de la tache, du trait, de l’ombre qui peut aussi ne pas être salutaire….
Au bord de l’eau, sur les plages, au vif des encierros, sous la magnétique fascination du spectre des paseos, lors du trajet des courses libres ou des mémorables arrosades, sur des terrasses et au fond des jardins, à l’heure de la pénombre qui bleuit et rend tout en grisaille, l’artiste guette, veille, surveille, observe, croque bêtes et gens, temps de rituels, fêtes et travaux.
Dans le regard, le cœur et la tête se mêlent mythes, danses et musiques, symboles, images et cris, mouvements et mutismes , lesquels dans un lent travail de sédimentation, ne pourront, plus tard, se soustraire à la charge du pinceau.
Minotaure, flamencos et guitares vont ainsi rejoindre le vieux fond thématique choisi, apprécié, sans doute aimé. Ils façonnent le noyau dur d’une peinture qui se signale et se signe manifestement dans une appartenance sans partage, volontairement stylisée, griffée aux spécificités d’un territoire, d’un climat, aux qualités d’un art de vivre composant un univers très marqué.
Marquage : le terme n’est pas anodin en des lieux méditerranéens qui touchent d’aussi près la Camargue où l’on ne laisse jamais la bête tranquille, tirée de son pré pour la folle course de rue qui ne saurait se terminer que dans l’arène, en solitaire, sur le sable de l’épicentre monochrome du ruedo, sous le spectre des plus colorés d’une foule passionnée, souvent en délire.
Ainsi, Yash Godebski a approché au plus près fièvres, hurlements, couleurs, mouvements de foule, retraits dans l’ombre, entre scintillements et noirceurs d’un midi trop bien connu.
Sorti du sérail, une lignée de créateurs, sa filiation n’ignore déjà rien du monde de l’art et de sa pratique, (la sculpture paternelle, celle de François Godebski en particulier), l’artiste va forcément distiller dans son oeuvre une certaine essence, qui le plus naturellement, contient toutes ces sources.
De la thématique manifeste à la mise à distance « naturellement » obligée Ainsi que tous les peintres qui se sont attaqués à l’invincible lumière du Sud, Yash Godebski a hardiment, virilement tenté le difficile assaut, se laissant rarement prendre dans l’éblouissement mais ce faisant, toujours d’une écriture insolente et de manière curieusement frontale.
S’allier le blanc, compris comme absence de couleur, rien de plus difficile, donc de plus courageux que cette paradoxale visée picturale.
Indubitablement, le confort et la facilité ne sont pas arguments recevables pour cette peinture là. Et s’il arrive à l’artiste de céder ponctuellement à la valeur du rouge, au « colorado » du rite et de la fête, il privilégie nettement dans les grands passages de couleur, le « tinto », celui qui a, comme le bon vin, du corps et de la maturité. Le peintre garde néanmoins en réserve une arme solide pour faire face aux brûlures des plus grands soleils : le dessin, une de ses premières passions.
Un trait sûr va dès lors venir prêter un rigoureux concours à l’artiste, réaffirmer certains repères , pallier les naturelles défaillances chromatiques. Pour augmenter les certitudes, rechercher les solutions pertinentes, l’engrangement de trois années d’études graphiques auxquelles se sont ajoutées un peu plus tard trois années intégrant la formation publicitaire ne seront pas de trop.
Sans négliger les affrontements qui ont parfois du bon, l’artiste a jugé qu’ils ne sont pas une seule et unique manière de mettre volontairement la peinture en coupe sombre. Les stratégies picturales peuvent reprendre leurs droits, la prise de distance n’étant pas moins performante que la bataille en première ligne. Il s’agira alors d’entrer à pied d’œuvre dans un combat, cette fois plus esquivant, dont la résolution, au moins pour la vue inquiète et exigeante du spectateur, sera plus décisive.
D’une autre manière qui participe de son style traversé du traitement des paradoxes, Yash Godebski reste plus que jamais dans le faire face. La toile va se construire comme une sorte d’objet où l’architecture, les perspectives, vont avoir un rôle majeur.
En préalable de la mise en relief de la couleur, le positionnement d’une armada d’ horizontales, verticales et obliques profondément réfléchies et rangées ont déjà gagné une partie de la lutte pour l’équilibre. Le passage en force de la couleur n’irait pas, semble t-il, sans ce sévère souci de la perspective.
Une œuvre engagée, tenue dans sa «charpente »
L’angle d’attaque fait ainsi partie de la marque de fabrique inédite et originale. Quoiqu’il en soit, l’effet recherché n’est pas celui d’une inscription dans la réalité mais dans une certaine rationalité qui n’apparaît pas en discordance, en distorsion avec la subjectivité.
L’organisation de l’espace sensible, émouvant (au sens de mettre en mouvement) ne va, de toute façon, pas laisser en paix celui qui regarde.
Si l’artiste a pris ses distances, le spectateur, lui, est en quelque sorte obligé de les abandonner.
D’abord éloigné, il se rapproche avec prudence et, n’y tenant plus, colle parfois le nez au raz de la toile, clignant de l’œil, tordant le cou. C’est que l’artiste a si bien su tordre celui de la perspective ! Se postant, se positionnant là où l’on ne saurait l’attendre, de quel endroit jauge et juge t-il ?
Plongées, contre plongées, profondeur de champ, toutes sortes de travaux d’approche du plan ont dues être expérimentées, parfaitement étudiées, structurées, pour assurer le bon fonctionnement du scénario pictural : du gros plan (presque zoomé) au plan d’ensemble, en passant par le plan américain et l’insert (gros plan sur un détail anatomique, une main, une cuisse, une corne…), rien n’est laissé au hasard.
Incontestablement, Yash Godebski est un homme de son temps qui n’a pas manqué de juger la pertinence de l’effet Koulechov et autres travellings cinématographiques. En fait, il y a non seulement de la BD mais du septième art qui produisent leur touche sur la toile.
Ceci, en estimant que l’expression « se faire une toile », lorsqu’il s’agit de Tarkovsky, Bergman, Welles et Kurosawa (dans l’art de se placer au raz du sol) n’est plus une formule.
Sensations, « sensualisation »
Cette exigence architecturale s’inscrit en juste articulation avec les contraintes d’une palette qui se laissant moins gouverner, plus atypique, n’en sera dans sa fréquente unité chromatique ou dans ses associations sans concession, que d’autant plus personnelle.
Le regard est assurément frappé par des solutions que l’on pourrait qualifier de provocatrices.
Il en va ainsi pour l’affirmation radicale des marrons dominants, des jaunes déchirés, pathétiquement lessivés de soleil mais portés sans nuance à l’avant, auxquels le peintre n’offre la moindre chance de battre en retraite. De même dans la sorte d’exaltation jubilatoire des bleus durs nocturnes rendus noirâtres sans la rescousse du camaïeu, ou qui se replient, se totalisent en bleus cobalt défensif, livrés à eux mêmes dans le traitement de sujets où ils s’invitent sans remord, en décalé.
Les verts, eux, s’imposent comme par effraction. Et cela ne vient pas que par faute au soleil mais tout ça tient par la singularité, l’heureux défaut des qualités. Il n’y a pas de mauvaises couleurs, il n’y a que de mauvaises solutions aurait dit Delacroix en ajoutant : « Donnez-moi de la boue, j’en ferai une lumineuse chair de femme pourvu que vous me laissiez choisir les couleurs que je placerai à côté. »
En effet, si d’autres ont pactisé avec un diable qui pompe et dévore les ors et les jaunes, Yash Godebski n’est pas, c’est manifestement visible, un artiste du compromis, non sans doute par un quelconque souci éthique mais pour prendre la voie d’autres démonstrations, autres personnelles traductions d’une puissante sensation. Façon pour l’artiste de pointer sa virilité.
Le renoncement aux couleurs aimables, flatteuses, séduisantes, frappées de la réduction d’une lumière vengeresse, déleste le tableau du poids de son impossible, acceptant presque avec soulagement la faille de la beauté (marqueur qui ne garantit ni le talent ni la virtuosité) mais ce faisant, ne le prive nullement d’une charge inattendue prenant par surprise non plus seulement le regard mais le souffle.
Performante dans un grand dialogue ombre lumière qui insiste plus sur la sensation lumineuse que sur la perception colorée, la peinture de Yash Godebski est de manière rarement phénoménologique, aveuglante, silencieuse et étouffante. Si l’on n’y transpire, on peut y suffoquer. Le malaise est indubitablement incarné par une étonnante voie qui a trouvé l’étrange moyen éprouvé de se ficher en représentation.
L’éclat de lumière s’est, flèche retournée, transformée en brutale chaleur. Cette chaleur, comme dans le réel, porte une étonnante densité. Impossible d’échapper à cette sensation, d’autant que cette étude assez poussée de la matière, de son étalement, son écrasement de sa coloration qui fait s’associer les improbables sans repentirs possibles (l’acrylique a peu de patience, peu de tolérance pour l’indécision), s’accompagne, et là, il y a mystification, d’une idée de silence.
Vision paradoxale, le dynamisme de l’action et des sujets n’en plonge pas moins l’œuvre dans ce silence qui ne tient pas à révéler sa source cachée. Il n’y a aucun drame en préparation, un calme sans douceur s’installe dans l’œuvre. Dans l’ombre retrouvée, l’air n’ a pas perdu de son épaisseur, l’oppression est toujours là .
Avec les trouées claires, qu’elles soient traitées sur un mode profusément large ou en pluie oblique, le soulagement ne vient alors que le calme s’installe. Et si cette chaleur aidant l’alanguissement érotique peut gagner, cet état n’est pas donné d’emblée.
Il faut élargir ou resserrer l’horizon en soi. Déborder du cadre, contrevenir aux apparences est ce à quoi l’auteur semble vouloir assez flegmatiquement, sinon narquoisement et ironiquement nous amener.
Ce monde qui nous ignore de son extrême discrétion, dans lequel les êtres ont à peine des têtes d’humains (l’entrisme dans la BD est ici clairement avéré), cloués dans leur lassitude, leur indifférence, leur radicale immobilité, tour à tour décomposés ou pétrifiés dans une unité chromatique, ce monde s’il ne veut point nous imposer d’états d’âme, (se) servir des sentiments, nous oblige à penser sans nous priver de desserrer cravates, déboutonner vestes et chemises.
Il souligne que malgré une réelle exubérance rythmique, la lumière est capable du meilleur et du pire. La mélancolie ne s’est pas départie des visages d’éternité, la dualité clair obscur n’a pas manqué d'ordonner à travers verticales et horizontales, un chaos où tout arrêt pouvait devenir mortel. Mais Yash Godebski, dans une évidente phobie de la fin et du banal, tente dans une forme d’ascétisme bien à lui, d’œuvrer à leur dépassement, leur transfiguration.
M&J.LATORRE
Bio Suzane de SZECHY
Ses toiles, où le sud explose, vous ont inondé de lumière et de chaleur.
Le cou dévissé d’avoir tenté de suivre son regard, vous avez voulu connaître le nom de l’artiste, latino probablement, vu l’inspiration…
Surpris ? Ne vous y trompez pas : la famille, originaire de Pologne, est établie à Nîmes depuis le XVIII°siècle. Génération après génération, les descendants ont adopté, compris et aimé cette culture du sud, au point d’en devenir les représentants. – dans tous les sens du terme, puisque Yash fait partie de la 7° génération d’artistes de la famille.-
Culture d’un sud précis, celui de Camargue. Là où toros et chevaux partagent le quotidien, où la musique est gitane ou fanfare, où réussir une fête est aussi important que de décrocher un diplôme.
Yash a grandi là, dans la lumière, entre Nîmes et Uzès, l’atelier du père, les vignobles du haut-Gard, les plages du delta du Rhône. Depuis toujours, il dessine..
Alors école d’arts graphiques à Paris, et travail dans la pub. Il dessine, peint sans cesse, et décide, à 26 ans, d’en vivre. Commence par relever le défi (financé par des souscripteurs privés) de peindre 100 toiles en un mois, lors d’un marathon –peinture, en 1992.
Pari insensé ? en peignant dans l’urgence, sa maîtrise des apprentissages lui permet de les oublier et d’aller directement à l’essence de ce qu’il veut montrer, spontanément et sans artifices.
Pari tenu : il ne lâche plus ses pinceaux, ses carnets de croquis . Bouillonnant et créatif, il veut exposer, mais libre, sans agent ni galerie. Et imagine la série d’expos « bail à céder » où il investit pour quelques jours des locaux désaffectés (hangars, boutiques en cessation de bail), ajoutant la surprise du lieu à celle de sa créativité.
Il peint de mémoire, sans référant photo , jouant des ombres et des lumières, nous invitant à des perspectives si personnelles qu’on se demande si, le temps de l’inspiration, il ne devient pas oiseau…
« J’aime bien tordre le cou à la perspective, donner le vertige en faisant se pencher les têtes, s’étirer le cou, s’écarquiller les yeux. La lumière est mon principal sujet : mon abstraction se situe là, puisque je fais du figuratif.
L’image n’est qu’un prétexte : c’est la construction qui m’intéresse. »
Pour le prouver, à l’occasion d’une exposition à Glaz’art, où une fanfare venue de Nîmes assurait l’ambiance, il projetait en boucle la vidéo de la création d’un tableau, de la toile blanche à l’oeuvre exposée, où l’on voyait les résilles de lignes se superposer pour construire l’architecture du tableau, bien avant l’ajout de l’image.
Constructions rigoureuses, maîtrise du clair-obscur, plongées et contre-plongée, angles inédits, la vision de Yash emprunte au cinéma ses techniques, sans user de l’hyperréalisme de l’image .
Les traits de ses personnages sont suggérés, parfois absents, pourtant on les reconnaît à leur dégaine, aux attitudes familières que chaque situation entraîne.
Peintre des ambiances, Yash transmet à la toile les sensations que son pinceau
évoque : l’envie de se mettre à l’ombre de ses platanes ou à l’abri devant le taureau échappé dans la clameur de la foule, ou encore dans le clair-obscur des clignotements colorés des néons de Pigalle…Car si le sud est son inspiration essentielle, –il avoue en souriant que, les jours de stress, il « fait » un taureau ou deux pour se détendre, - elle n’est pas unique, et sa vision des villes nous entraîne dans d’autres lumières, d’autres constructions que cet « ambianceur » sensuel nous donne à ressentir.
Alors, il suffit de regarder…Comme au cinéma, l’image est meilleure sans sous-titres.